Aurélien respirait encore quand les secours sont arrivés. Faiblement. Son décès a été constaté à zéro heure dix minutes, le 17 février 2004. Il ne fêtera jamais ses vingt ans.
D’abord, tout va vite. Très vite. Le réveil brutal par la police à une heure du matin < nous avons une mauvaise nouvelle >, leur incapacité à vous dire où s’est passé le drame, comment, dans quelles circonstances ..< non, vous ne pouvez pas voir votre fils> , il faudra attendre le lendemain après midi,à la morgue.. La terre s’est ouverte sous vos pieds, la détresse vous submerge. Aucune mère n’est préparée à la mort de son enfant. Vous enchaînez le lendemain avec le commissariat. Là on oublie de vous dire que vous pouvez bénéficier d’un soutien psychologique, < voulez-vous déposer une plainte , réfléchissez > ..Mais à quoi est-on capable de réfléchir dans ces moments là ? Il faut prévenir les amis, la famille, s’occuper des obsèques. Se lever et accepter l’inacceptable. Penser à ceux qui restent, mon mari, notre plus jeune fils.. L’entourage est là pour vous recommander un avocat. Oui, il faut porter plainte. Les amis d’Aurélien aussi sont appelés à témoigner au commissariat, parler de la victime. Ils ne comprennent pas le pourquoi de toutes ces questions.
Le dossier est bouclé. L’avis d’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel daté du 21 octobre 2 004.. Notre avocat nous prévient qu’il faut compter un an environ. C’est long , un an.
Le silence revient. Les jours, les mois passent. Il faut gérer l’absence, la douleur au quotidien. Se battre chaque jour contre soi, le découragement, les larmes qui refusent tout contrôle. Se soigner . Continuer .
Vingt mois se sont écoulés depuis le décès d’Aurélien. Que fait la justice ? Pourquoi attendre si longtemps ? A l’origine de l’accident , il y a eu infraction, le responsable est identifié. Alors, en plus de la difficulté à vivre chaque jour, vient s’ajouter le moment redouté de l’audience, cette nouvelle épreuve longue, douloureuse. Toujours reculée. N’existe t-il pas un délai raisonnable pour mener une instruction ? On parle pourtant d’êtres humains. Peut-être le système judiciaire est-il désemparé devant la souffrance des familles. Comment évaluer ce qui n’a pas de prix ? Il ne s’agit pas de constater un mauvais stationnement ou le non port de la ceinture de sécurité et pourtant, là il y a sanction immédiate. Alors que vaut la vie d’un enfant, que vaut la vie d’une victime de la route ? Tout dépend semble t-il de la sensibilité du Procureur, les sanctions pénales pouvant aller du simple au double. La justice de notre pays dont les bureaux sont surchargés de dossiers de toute nature se trouve t-elle donc à ce point démunie lorsqu’il faut traiter une affaire de violence routière ? Le délit routier est une réalité. L’engagement du législateur et les mesures mises en place en matière de prévention et de répression l’attestent. Bien sur, le mal ne se répare pas mais le fautif doit être condamné pour les conséquences de son acte. Pourquoi les règles existantes ne sont-elles pas appliquées ? Toutes les grandes déclarations de principes sont –elles destinées à ne pas être suivies d’effets . Quelle crédibilité peut -on accorder à une sanction qui intervient si tard ? Est-il donc impossible de réduire le temps entre l’infraction constatée et la sanction ? Pour le responsable de l’accident – car il ne s’agit pas là de fatalité – les faits se sont sans doute estompés avec le temps, a t-il seulement encore conscience de son erreur et de ses conséquences ? Pour la famille de la victime, la question ne se pose pas. Nous avons un besoin vital de franchir cette nouvelle étape. Pour nous reconstruire. Pour nous aider à reprendre notre place d’acteurs de la vie, à porter le message de la prévention pour que des vies soient épargnées. Toujours plus.
Brigitte
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